5 juin 2025
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OPINION « Plus qu’un défi pour la transition énergétique, le recours à l’IA est la condition de sa réussite »Et si nos bâtiments devenaient enfin intelligents ?

En 2024, les énergies décarbonées dépassent les 40 % de la production d’électricité, tandis que le pétrole recule sous les 30 % de la consommation globale. Pourtant, les émissions de CO₂ continuent d’augmenter. Cette contradiction souligne un enjeu central : la croissance de la demande mondiale d’électricité. L’IA, à la fois source de consommation (via les data centers) et levier d’optimisation, pourrait devenir un acteur clé. Par Oliver Sartor, Chef Economiste chez Voltalis

Dans un monde où les informations contradictoires se bousculent au gré des communiqués, il est souvent difficile de se faire une idée précise de l’efficacité de la transition énergétique en cours. Ainsi, alors que pour la première fois depuis 50 ans, le pétrole a représenté l’an dernier moins de 30 % de la consommation mondiale d’énergie et que les énergies décarbonées dépassent désormais les 40 % de la production d’électricité, les émissions de gaz à effet de serre, elles, ont encore progressé de 0,8 % en 2024.

Cette apparente contradiction vient du fait que, même si les productions d’énergie décarbonées ont crû de manière exponentielle, la consommation globale d’énergie dans le monde — en particulier d’électricité — a jusqu’à ce jour augmenté davantage. D’où cette interrogation récurrente autour d’un possible « piège de la surcroissance de la consommation » : serons-nous capables de satisfaire cette demande massive d’électricité avec le seul développement de nombreuses sources d’énergies propres, ou devrons-nous continuer à être dépendant des centrales au charbon et au gaz ?

Paradoxe que semble confirmer un rapport récent de l’Agence Internationale de l’Énergie qui analyse les impacts de l’activité de l’Intelligence artificielle sur nos systèmes énergétiques. La consommation mondiale d’électricité liée aux data centers devrait plus que doubler d’ici 2030 pour atteindre 945 TWh, soit une augmentation équivalente à l’actuelle consommation électrique de l’Allemagne ! Et tripler d’ici 2035, pour atteindre +1200 TWh, soit cette fois la consommation d’électricité de l’Inde…

À première vue, ces niveaux de croissance imposent des défis colossaux aux pays qui, comme les États-Unis, souhaitent héberger une partie disproportionnée des data centers sur leur territoire. Mais une lecture plus nuancée de la problématique est toutefois possible, et ce à deux niveaux.

Premièrement, il faut remettre en perspective la consommation d’énergie de l’IA : la demande globale d’électricité plafonnait en 2023 autour de 30 000 TWh. Dans un scénario vraisemblable où celle-ci augmenterait de 800 TWh d’ici 2035, la croissance liée à la seule activité de l’Intelligence artificielle ne représenterait que 2,7 % d’augmentation de la demande mondiale. Le défi n’est donc pas insurmontable pour la transition énergétique globale.

Deuxièmement, la demande d’électricité que génère l’IA en tant que telle n’est pas le problème majeur. Le vrai sujet c’est l’impact des véhicules électriques, du chauffage et de la climatisation, et des autres usages domestiques qui vont non seulement augmenter la demande en électricité, mais également la faire fluctuer de manière beaucoup plus intense au sein de nos réseaux de transmission et de distribution. À cela s’ajoute le fait que nos systèmes électriques vont également être soumis à l’intermittence des énergies renouvelables, au fait que celles-ci vont produire parfois trop, parfois pas assez, en fonction de l’heure, du jour, de la semaine ou du mois.

L’enjeu majeur de la transition énergétique est donc de réussir à « piloter » la demande d’électricité pour l’orienter aux bons moments : au maximum quand l’énergie est disponible et au minimum quand le soleil et le vent produisent quelques mois.

On ne peut toutefois pas demander aux consommateurs d’être constamment réactifs aux aléas météorologiques. C’est là qu’intervient tout le potentiel de l’Intelligence artificielle, elle permet un pilotage autonome et dynamique de tous ces nouveaux équipements électriques, en fonction des besoins précis du système.

Désormais, différents facteurs se conjuguent pour allier de multiples technologies digitales au sein d’une même plateforme de pilotage : la réduction du coût des capteurs intelligents, les avancées techniques de l’internet of things (IoT) qui permet le contrôle et le pilotage automatique des appareils, et le cloud computing utilisant des algorithmes ultrapuissants capables d’ajuster la puissance électrique en temps réel, de manière très flexible, sans affecter le confort du consommateur.

Climatiseurs, pompes à chaleur, radiateurs, ballons d’eau chaude, voitures électriques ou encore batteries, vont devenir ainsi de véritables petites « centrales électriques virtuelles » pour piloter la demande à grande échelle. Grâce à l’apport des algorithmes, elles pourront ainsi soulager le réseau électrique lors des phases de pics de consommation — ce qui évitera d’avoir à relancer de polluantes et couteuses centrales à charbon ou à gaz — mais également prendre le relai le moment venu pour alimenter le réseau quand la production des renouvelables diminuera.

L’ultime ironie c’est que si l’Intelligence artificielle va peser sur la demande mondiale d’électricité via ses data centers, elle va surtout grandement contribuer à l’alléger en multipliant les solutions digitales qui soulageront la consommation. C’est de loin ce qui parait le plus prometteur aujourd’hui.

Contact presse :

Emma Corson  
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